Dans une démarche inhabituelle, Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement et ancien président du gouvernement marocain, a adressé une lettre ouverte au président français Emmanuel Macron. Il y critiquait ses récentes déclarations où il justifiait le « droit d’Israël à se défendre » en réponse à l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023.
Benkirane a considéré que cette déclaration ignorait la réalité de l’occupation et des crimes continus contre le peuple palestinien, exprimant une profonde insatisfaction face à la position française. Cette lettre est intervenue à un moment où les relations maroco-françaises connaissent des tensions qui ont poussé les observateurs à s’interroger sur la possibilité d’un changement dans la politique marocaine à l’égard de la France.
Que veut vraiment dire Benkirane ? Et que ne veut-il pas révéler ?
Dans la lettre, Benkirane a exprimé son mécontentement face au discours de Macron devant le Parlement marocain, ainsi que son refus de qualifier l’attaque menée par le Hamas d’acte « barbare ». Benkirane a affirmé que le Hamas, en tant que mouvement de libération nationale, exerce son droit légitime à la résistance. Toutefois, ce mécontentement ne s’est pas limité à la question palestinienne, mais Benkirane a tenté d’utiliser un langage diplomatique pour transmettre un message implicite au président français.
Ainsi, alors que la lettre critique la politique française envers la Palestine, il semble que Benkirane voulait suggérer que la stabilité de l’exceptionnelle coopération entre le Maroc et la France dépend des positions de Paris sur des questions jugées vitales par les Marocains, dont la question palestinienne en tête.
Critique : Pourquoi maintenant ?
Benkirane a présenté sa lettre à un moment sensible, ce qui soulève des interrogations sur ses motivations. Cette critique survient-elle pour refléter un changement plus large dans la politique marocaine envers la France ? Ou s’agit-il simplement d’une tentative de répondre à des exigences internes croissantes qui appellent à renforcer les positions indépendantes du Maroc, notamment sur les questions arabes et islamiques ? Le timing de la lettre, après plusieurs mois de tensions diplomatiques, ouvre la porte à des spéculations sur le fait que cette initiative puisse porter un message implicite aux autres pays européens qui restent neutres ou soutiennent indirectement Israël.
Double standard français : Des contradictions nécessitant clarification
La lettre de Benkirane aborde la question de la dualité des positions françaises, condamnant le soutien de Macron à Israël et s’interrogeant sur la cohérence de cette position avec les valeurs de la France fondées sur les principes de liberté et de résistance. Benkirane a souligné que la France, qui a résisté à l’occupation nazie et qui a été un phare des droits de l’homme, se trouve aujourd’hui du côté d’un État qui pratique des politiques de génocide et de déplacement forcé contre le peuple palestinien.
Cette contradiction soulève une question fondamentale : comment un pays comme la France, qui se vante de son histoire de résistance, peut-il soutenir un État qui viole les droits de l’homme en Palestine ?
Palestine et la question du Sahara : Les similitudes dans les luttes de libération
Benkirane a profité de la lettre pour réaffirmer la position ferme du Maroc sur la question palestinienne, soulignant que les Marocains considèrent la question palestinienne aussi importante que celle du Sahara marocain. Ce parallélisme entre les deux questions pourrait servir de rappel au président français que le Maroc ne renoncera pas à son soutien aux luttes de libération, qu’elles concernent ses propres territoires ou ceux de ses frères arabes.
Et ici se pose la question : le Maroc va-t-il continuer sur cette voie double, soutenant les deux causes du Sahara et de la Palestine, face à la montée des pressions internationales et aux normes doubles ?
Lettre ouverte au monde ou à la politique intérieure ?
On ne peut ignorer la dimension interne de la lettre, qui semble également être un discours adressé à la rue marocaine, qui sympathise fortement avec la question palestinienne. Peut-être que Benkirane, en tant que leader politique national, cherche à obtenir le soutien de l’opinion publique marocaine et à renforcer sa position politique à travers cette lettre.
Cela soulève la question : Benkirane s’adressait-il uniquement au monde extérieur, ou cherchait-il également à renforcer son image politique à l’intérieur en défendant une cause qui bénéficie d’un large soutien parmi les Marocains ?
Conclusion :
Quelles que soient les dimensions internes ou externes de cette lettre, elle pose un grand défi à la France. Le maintien de sa position actuelle sur la question palestinienne pourrait affecter ses relations historiques avec le Maroc et mettre en péril l’avenir de leur partenariat exceptionnel.
La lettre de Benkirane reste un appel explicite à Paris pour clarifier sa position et adopter une approche plus équilibrée. Les alliances stratégiques ne reposent pas seulement sur des intérêts économiques et politiques, mais aussi sur des valeurs communes et le respect des droits des peuples.
