Dans son dernier article intitulé « L’avenir du gouvernement entre le contexte électoral et le contexte constitutionnel », le Dr. El Hassan Abiaba, ancien ministre et président du Centre Ibn Battuta pour les études et recherches scientifiques et stratégiques, propose une analyse approfondie de la performance du gouvernement marocain actuel et de son avenir face aux défis politiques, économiques et sociaux auxquels le pays est confronté. Abiaba s’appuie sur une lecture équilibrée des légitimités électorale et constitutionnelle, tout en mettant en lumière les échecs qui entravent la mise en œuvre du programme gouvernemental et en soulevant des questions essentielles sur l’avenir du paysage politique marocain.
Contexte général : Les échecs du programme gouvernemental et la perte de crédibilité
Abiaba commence son analyse en soulignant que le gouvernement actuel est issu des élections législatives et communales unifiées de septembre 2021, décrites comme « transparentes et équitables ». Ces élections ont conféré une légitimité électorale au gouvernement, mais celui-ci a échoué à atteindre les indicateurs économiques et sociaux qu’il s’était fixés dans son programme, notamment en ce qui concerne la construction de « l’État social ».
Une question centrale se pose ici : Pourquoi le gouvernement a-t-il échoué à atteindre ses objectifs malgré sa légitimité électorale ? Abiaba attribue cet échec à plusieurs facteurs, notamment :
- L’absence de croissance économique significative : Le gouvernement n’a pas réussi à générer une croissance économique notable, ce qui a entravé le développement promis.
- L’échec de la construction de l’État social : Abiaba estime que ce dossier n’a pas été suffisamment étudié sur les plans financier et social.
- La hausse du chômage : Le taux de chômage a dépassé 21 % selon les statistiques de 2024, reflétant l’échec des politiques gouvernementales à créer des emplois.
- La faillite des PME : Des milliers de petites et moyennes entreprises, qui représentent plus de 80 % du tissu économique national, ont fait faillite, aggravant la crise économique.
- L’augmentation du coût de la vie : Le pouvoir d’achat a considérablement diminué, accentuant la pauvreté et creusant les inégalités sociales.
Sur la base de ces indicateurs, Abiaba conclut que le programme gouvernemental est désormais « incapable » d’atteindre ses objectifs restants, ce qui remet en question l’avenir du gouvernement.
La légitimité électorale : Entre crédibilité perdue et réalité politique
Abiaba souligne que le gouvernement actuel repose sur deux légitimités : la légitimité électorale et la légitimité constitutionnelle. Concernant la légitimité électorale, il note que le gouvernement l’a acquise par le biais du Parlement et non directement des citoyens. Cependant, cette légitimité a perdu sa crédibilité auprès des électeurs en raison des échecs mentionnés ci-dessus.
Une question cruciale se pose ici : Le gouvernement peut-il maintenir sa légitimité électorale face à la baisse de la confiance populaire ? La réponse semble négative, surtout dans un contexte de mécontentement croissant et de déclin des indicateurs de performance gouvernementale.
La légitimité constitutionnelle : Entre l’intervention royale et la majorité parlementaire
En ce qui concerne la légitimité constitutionnelle, Abiaba explique qu’elle dépend du vote du Parlement sur le programme gouvernemental et de la nomination du gouvernement par Sa Majesté le Roi. Cependant, il observe que la formation du gouvernement est soumise à des considérations politiques plutôt qu’électorales, le chef du gouvernement choisissant les partis qui formeront la coalition gouvernementale sans tenir compte de la volonté directe des électeurs.
Cette réalité soulève une autre question : Le gouvernement peut-il être considéré comme un véritable représentant de la volonté des électeurs dans ce cadre constitutionnel ? Pour Abiaba, la réponse réside dans la nature du système politique marocain, qui combine légitimité électorale et légitimité constitutionnelle, mais laisse une large place à l’intervention politique en dehors des élections.
L’avenir du gouvernement : Entre continuité et changement
Dans la dernière partie de son article, Abiaba explore les scénarios possibles pour l’avenir du gouvernement, estimant que sa continuation dans le contexte actuel d’échecs pourrait aggraver les crises politiques et sociales. Il met en garde contre le risque que les prochaines élections se transforment en un « conflit politique » plutôt qu’en une « compétition électorale », surtout avec l’éventuelle entrée en scène d’acteurs politiques radicaux cherchant à exploiter la situation pour atteindre leurs objectifs.
Abiaba critique également le phénomène des « appendices électoraux », où la majorité au pouvoir traite les autres partis comme des outils électoraux qu’elle contrôle. Cette situation, selon lui, menace de saper la démocratie et l’équité des chances entre les partis.
Un gouvernement technocratique : Solution ou complication ?
En conclusion, Abiaba propose la formation d’un gouvernement technocratique pour gérer la prochaine phase, estimant que ce modèle pourrait être plus efficace pour surmonter les problèmes internes et achever les projets royaux. Il appelle également à une nouvelle mobilisation nationale pour faire face aux défis externes et à la création de conditions propices à des élections garantissant l’équité des chances et une concurrence loyale.
Une dernière question se pose ici : Un gouvernement technocratique peut-il être la solution optimale face aux défis actuels ? La réponse semble positive dans un contexte de déclin de la confiance dans les partis politiques traditionnels, mais elle reste liée à la nécessité d’assurer une participation démocratique large et une transparence dans le processus de formation.
Conclusion : Vers un avenir démocratique plus stable
Le Dr. El Hassan Abiaba conclut que l’avenir du gouvernement marocain dépend de sa capacité à restaurer la crédibilité populaire et à réaliser des accomplissements tangibles. Face aux échecs actuels, un changement dans la composition du gouvernement ou la tenue d’élections anticipées pourrait être une option nécessaire pour restaurer la confiance et reconstruire le paysage politique.
Mais la question la plus importante demeure : Le système politique marocain peut-il surmonter ces crises et construire un avenir démocratique plus stable ? La réponse à cette question déterminera le sort de l’expérience démocratique marocaine dans les années à venir.