À une époque où les questions de coexistence religieuse et de diversité culturelle constituent un défi mondial, le Maroc demeure un exemple exceptionnel, comme le souligne le Dr Abd Ennabi Aidoudi dans son article important intitulé « Les Juifs marocains : traits sociaux, religieux et dimensions de la coexistence marocaine unique ».
Traits sociaux : une intégration réelle au tissu national
Le Dr Aidoudi affirme que les Juifs marocains ont toujours été une partie intégrante du tissu social marocain, loin d’être une communauté marginale comme on pourrait parfois le penser. Les documents historiques attestent de leur participation active à la vie économique, politique et culturelle, que ce soit par la possession de terres agricoles, leur activité dans le commerce et l’industrie, ou encore leur service à l’État.
Mais cette participation et cette intégration perdurent-elles aujourd’hui avec la même vigueur ? Cet héritage et cette histoire sont-ils valorisés dans les médias et les institutions éducatives ? Ces questions restent ouvertes dans un contexte de mutations sociales et politiques constantes.
Dimensions religieuses et culturelles : rites et traditions renouvelés
La coexistence marocaine se distingue par une interaction particulière entre les deux communautés, notamment à travers des fêtes et rites religieux à forte empreinte marocaine, comme la fête de la « Mimouna », qui symbolise un espace de rapprochement social et d’échange entre Juifs et Musulmans, un signe vivant de respect mutuel et de fraternité.
Toutefois, reste à savoir si ces traditions conservent aujourd’hui la même présence et vitalité, et si des institutions soutiennent leur continuité et leur promotion au sein de la société marocaine.
Une expérience de coexistence : stabilité et continuité à travers l’histoire
Il est indéniable que le Maroc s’est distingué des autres régions comme l’Andalousie ou le Machrek par la continuité de sa coexistence entre Juifs et Musulmans pendant plus de deux millénaires, grâce à plusieurs facteurs tels que le patronage royal, la souplesse juridique du rite malékite et la stabilité politique.
Cependant, il ne faut pas occulter que de nombreux Juifs ont quitté le Maroc au milieu du XXe siècle, dans un contexte politique et social complexe, ce qui soulève des interrogations importantes quant à la pérennité de ce modèle aujourd’hui et demain.
L’unicité du Maroc dans la protection du patrimoine juif
Après ces vagues d’émigration, le Maroc, sous la protection royale, a poursuivi ses efforts pour préserver le patrimoine juif, notamment les synagogues et les cimetières, et a intégré l’histoire juive dans les programmes scolaires, faisant de la nation un exemple mondial dans la préservation de la pluralité religieuse et historique.
Mais cette protection officielle reflète-t-elle la réalité de la vie des Juifs marocains actuels ? Leur garantit-elle la pleine liberté d’exprimer leur identité et de pratiquer leurs rites ?
Conclusion : une coexistence, modèle civilisationnel renouvelé
Le Dr Aidoudi conclut que l’expérience de coexistence au Maroc n’est pas simplement un héritage historique, mais un modèle civilisationnel renouvelé fondé sur les valeurs de pluralité et d’unité nationale, sous la devise « Dieu, la patrie, le roi ».
Maintenir ce modèle exige une conscience collective et des efforts constants de l’État, de la société civile et des institutions éducatives pour faire du Maroc une société cohésive, tolérante, capable de relever les défis de l’époque et des mutations sociales et politiques.
