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mercredi, août 6, 2025

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L’homme de la zone grise : Lecture de l’article de Reda Addam sur l’ascension du système Akhannouch

Le 5 août 2025, le journaliste et analyste politique marocain Reda Addam a publié, via sa page officielle, un article remarquable intitulé : « Akhannouch… l’homme de l’ombre dévoilé », dans lequel il propose une lecture politique profonde, voire audacieuse, des transformations qu’a connues la structure du pouvoir économique et politique au Maroc au cours de la dernière décennie. Il s’y concentre sur l’ascension de l’homme d’affaires et actuel chef du gouvernement Aziz Akhannouch, à une position centrale au sein de ce que l’auteur appelle « le système au-dessus de l’État ».

Cet article ne se limite pas à une simple opinion passagère ; il s’apparente, par sa structure et son langage, à un brouillon d’enquête politique fouillée, fondée sur des recoupements de données issues de sources ouvertes, de rapports de presse internationaux, et d’observations fines sur le conflit entre la logique de l’État et celle du marché dans la fabrication de la décision politique marocaine.

Dans cette analyse, nous tenterons de déconstruire certaines des grandes thèses avancées par Reda Addam, non pas pour les approuver ou les rejeter, mais pour comprendre le contexte qui les a produites et les questions sérieuses qu’elles soulèvent quant à l’avenir des rapports entre pouvoir, argent et constitution.

1. Akhannouch comme “homme d’un État parallèle”
Parmi les points les plus saillants de l’article de Reda Addam figure sa description d’Akhannouch comme « homme d’un système », et non simplement comme chef du gouvernement. Il représente, selon l’article, un maillon central dans un nouveau système de pouvoir, dépassant sa fonction exécutive pour opérer comme « organisateur de l’influence transfrontalière », mettant à profit sa fortune, son réseau d’intérêts et sa flexibilité politique pour se positionner au cœur de l’État, sans en assumer les coûts institutionnels ou le contrôle démocratique.

Cette lecture croise des thèses publiées dans la presse étrangère, comme El País, qui évoque le rôle croissant du « holding Akhannouch » dans les stratégies énergétiques, les relations économiques avec l’Afrique, et même les flux de gaz russe via le Maroc, dans un contexte international hautement sensible.

2. Le pouvoir vient-il encore du gouvernement… ou du business ?
L’article pose une question essentielle : peut-on encore parler d’un « pouvoir politique » fondé sur des institutions, un parlement et des programmes ? Ou bien ce pouvoir a-t-il été transféré, de facto, aux grands groupes économiques, qui échappent à la reddition de comptes et à toute véritable concurrence ?

Reda établit ce glissement de pouvoir à partir de plusieurs indices :

  • La disparition des ministres réels du paysage décisionnel

  • Le contrôle de postes clés par un « réseau de technocrates rentiers »

  • L’affaiblissement de la presse par des mécanismes de financement et de pression

  • Le contrôle du champ culturel et artistique via des subventions sélectives

3. De la Samir à Total Mauritanie : et après ?
Dans un passage révélateur, Reda établit un lien entre le démantèlement de la société Samir – dernier bastion d’une souveraineté énergétique nationale – et l’acquisition d’actifs pétroliers à l’étranger, comme le rachat des filiales de Total en Mauritanie par des acteurs marocains, tout en questionnant l’usage de l’influence institutionnelle pour soutenir une expansion économique maghrébine qui pourrait, à court terme, servir l’État, mais fragiliser la compétitivité intérieure.

Ce parallèle ouvre des interrogations légitimes :

  • Le désengagement de l’État des secteurs stratégiques était-il un choix ou une nécessité ?

  • Le secteur privé devient-il un État parallèle lorsque les institutions s’affaiblissent ?

4. Les élections comme outil de légitimation, non de reddition des comptes
L’aspect le plus préoccupant de l’article réside peut-être dans la description des élections marocaines comme un mécanisme de recyclage des mêmes élites, via une « rente électorale régulée » reposant sur l’argent, les allégeances achetées et le financement médiatique, en l’absence de véritables alternatives politiques.

Reda lie cette situation à une entreprise de « reconfiguration de la conscience collective », via des outils doux :

  • le financement culturel,

  • la limitation du journalisme,

  • la captation de l’éducation,

  • et l’usage de médias de divertissement comme soupape plutôt que comme outil de débat.

5. Et maintenant, où allons-nous ?
L’article se termine sur une question de fond : vivons-nous une crise de personnes, ou une crise de système ? Car même en changeant le chef du gouvernement, la même structure économique, politique et sociale continuerait à se reproduire, à moins d’une véritable refondation de la logique étatique.

Reda Addam ne plaide pas pour une rupture, mais pour une réforme radicale :

  • retour à la reddition des comptes,

  • réactivation des corps intermédiaires,

  • séparation entre pouvoir économique et décision publique,

  • et révision de la relation entre technocratie et souveraineté.

Conclusion : Quand un journaliste écrit… dans la langue du contre-pouvoir
Ce qu’a écrit Reda Addam ne peut être réduit à une opinion sur Facebook. Il s’agit d’un modèle rare d’analyse politique interne, dans un monde arabe souvent dominé par le discours lénifiant ou populiste. Depuis notre position à Maghreb Maintenant, nous considérons que ce genre d’interventions – même controversées – constitue un élément fondamental du débat public légitime.

Nous rappelons que les propos de ce texte reflètent la lecture de son auteur, et la rédaction reste ouverte à toute réponse ou précision des parties concernées, par respect pour la liberté d’expression et l’égalité d’accès à l’information.

En attendant d’autres débats responsables, nous reposons la question :
Peut-on bâtir une démocratie sans libérer l’État du joug de l’argent ?

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