Enquête sur les défaillances des politiques publiques à l’égard de la diaspora marocaine, et appel pour une justice représentative et l’activation des droits constitutionnels.
Lors d’une table ronde organisée le 21 avril au Salon international de l’édition et du livre à Rabat, la députée Aïcha El Karji, membre de l’Union socialiste des forces populaires, a lancé un cri d’alerte sur l’état des politiques publiques destinées aux Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Selon elle, ces politiques restent marginales, dénuées de courage législatif et surtout privées de la volonté politique nécessaire pour répondre aux droits constitutionnels et aux aspirations légitimes de cette frange essentielle de la nation.
Mais pourquoi ce désintérêt persiste-t-il envers plus de six millions de Marocains à l’étranger ? S’agit-il simplement d’une négligence administrative ou d’une peur, bien réelle, de leurs compétences et de leur potentiel d’influence sur les choix politiques et économiques du pays ?
Le dossier des MRE : une question stratégique ignorée
Dans son intervention, El Karji a affirmé que la question des MRE n’est pas un dossier secondaire. C’est une affaire stratégique touchant le cœur même de la démocratie, de la justice territoriale et de la dignité nationale. Le passage de la notion de « communauté marocaine à l’étranger » à celle de « composante essentielle du tissu national », tel que consacré par la Constitution de 2011, n’a pas été suivi d’effets concrets.
Comment expliquer que cette transformation constitutionnelle soit restée lettre morte ?
La députée a déploré l’absence d’intégration effective des MRE dans toutes les phases des politiques publiques – du diagnostic à l’évaluation – en insistant sur la nécessité de leur donner une voix dans la définition des priorités nationales.
Une représentation institutionnelle dérisoire
Avec seulement trois députées représentant l’ensemble de la diaspora marocaine dans un Parlement composé de 395 membres, la disproportion est flagrante. El Karji revendique une véritable représentation parlementaire pour les MRE, proposant une « quota minimale de 31 sièges » pour garantir leur implication directe dans l’élaboration des lois et le contrôle de l’action gouvernementale.
Pourquoi une telle résistance à leur donner une place équitable dans les institutions ?
Elle a aussi souligné l’urgence de réactiver le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, resté figé depuis des années, ainsi que la mise en place de l’institution Mohammedienne pour les MRE, dont l’inertie reflète le manque d’engagement de l’exécutif envers cette cause.
La nécessité d’un pilotage scientifique et numérique
El Karji a rappelé que les politiques efficaces doivent reposer sur des diagnostics rigoureux, basés sur des données concrètes, et non sur des intentions ou des discours. Elle a plaidé pour la mise en place de plateformes numériques intelligentes, permettant un lien permanent avec les MRE, une écoute de leurs doléances et une valorisation de leurs propositions.
Qu’attend-on pour utiliser le numérique afin de rapprocher les institutions de leurs concitoyens à l’étranger ?
Silence gouvernemental et absence d’évaluation
Forte de son expérience parlementaire, la députée a révélé avoir adressé plus de 167 questions parlementaires, dont plus de cinquante concernent directement la diaspora. Pourtant, les réponses du gouvernement sont souvent absentes, évasives ou sans suivi.
Enfin, elle a dénoncé le fait que les enjeux des MRE sont complètement absents des dispositifs institutionnels d’évaluation des politiques publiques, appelant à la création d’un système numérique indépendant de suivi des performances gouvernementales, spécifiquement orienté vers la diaspora.
Conclusion : une urgence nationale
Pour El Karji, l’intégration des MRE dans les processus décisionnels n’est plus un luxe politique, mais une nécessité nationale. Elle conclut :
« Il n’y a pas d’avenir pour la nation sans l’inclusion de toutes ses composantes. Les Marocains du monde ne sont pas en marge – ils sont au cœur du projet national. »