La visite de la représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Libye, Hanna Tetteh, à Rabat n’était pas une simple escale diplomatique de routine. Elle intervient à un moment critique qui réaffirme la centralité du rôle du Maroc dans le dossier libyen, à l’heure où les voies internationales et régionales semblent bloquées.
Dans le contexte de la crise libyenne persistante depuis des années, Rabat s’impose à nouveau comme un acteur crédible en faveur d’une solution politique réaliste et globale. La visite de l’émissaire onusienne et sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, soulèvent une question claire : l’ONU mise-t-elle à nouveau sur la médiation marocaine pour relancer le dossier libyen face au recul international et aux divisions internes libyennes ?
Rencontre, ce jour à Rabat, entre M. Nasser Bourita et Mme Hanna Tetteh, Cheffe de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Soutien renouvelé du Maroc aux efforts onusiens et au dialogue inter-libyen pour favoriser une solution libyenne portée par les libyens pic.twitter.com/z3Ul7iuLpa
— Maroc Diplomatie 🇲🇦 (@MarocDiplomatie) August 4, 2025
Tetteh a indiqué après la rencontre que « la Libye traverse une phase très sensible », évoquant les tensions à Tripoli et l’échec du processus électoral. Elle n’a toutefois pas révélé beaucoup de détails sur la « nouvelle feuille de route politique » en cours de préparation par les Nations Unies. Cela renforce l’hypothèse selon laquelle Rabat pourrait être un partenaire dans l’élaboration de cette feuille de route, ou du moins une plateforme pour en préparer le terrain.
Le Maroc : du rôle de « facilitateur » à celui de « partenaire stratégique »
Le paradoxe est que le Maroc ne s’immisce pas directement dans les affaires libyennes, mais il est fortement ancré dans la mémoire du processus politique, de Skhirat à Bouznika, de Tanger à Rabat. C’est ce qui a poussé l’émissaire onusienne à qualifier le Royaume de « partenaire » dans les efforts de réconciliation, et non plus seulement de facilitateur du dialogue.
Ce changement de terminologie traduit une reconnaissance internationale croissante selon laquelle la stabilité de la Libye ne peut être dissociée de l’équilibre régional que le Maroc contribue à préserver, surtout à la lumière des tensions au Sahel et du recul de certains pays autrefois influents dans le dossier libyen.
Crise de légitimité libyenne : un besoin urgent d’un médiateur impartial
Depuis mars 2022, la Libye est divisée entre deux gouvernements rivaux dans un contexte complexe mêlant enjeux politiques, militaires et tribaux. Dans ce climat, le besoin d’un médiateur crédible et impartial devient crucial. Grâce à son discours constant en faveur d’un « règlement libyen par les Libyens eux-mêmes », le Maroc a su conserver sa position de médiateur neutre, refusant tout alignement.
Mais la question se pose : les parties libyennes ont-elles encore la volonté politique de revenir à la table de Rabat ? Et la nouvelle initiative onusienne, si elle existe, bénéficiera-t-elle d’une adhésion interne et d’un réel soutien régional ?
Quelle direction prend l’ONU ?
La visite de Tetteh semble être une reconnaissance implicite de l’impasse que traverse actuellement la dynamique onusienne en Libye. Elle vise à redessiner une feuille de route politique, possiblement en capitalisant sur les acquis de Skhirat et Bouznika, au lieu de repartir de zéro.
Mais la réussite de ce nouveau processus ne dépendra pas uniquement des bonnes intentions de l’ONU ou du soutien marocain, mais également d’un minimum de consensus entre les forces libyennes et d’une volonté régionale sincère d’arrêter les ingérences contradictoires qui n’ont fait qu’aggraver la division.
Conclusion
La visite de Tetteh à Rabat n’est pas un simple événement protocolaire, mais un signal clair que l’ONU cherche un soutien fiable pour raviver un processus à bout de souffle. Le Maroc, fort de son expérience et de son équilibre, semble prêt à jouer ce rôle à nouveau. Mais comme l’ont montré les expériences passées, le succès ne sera possible que si une réelle volonté libyenne se manifeste, appuyée par un cadre régional et international sincère. Rabat marquera-t-elle un nouveau départ ou simplement une autre étape dans une série d’hésitations internationales ?