Sous une lumière dense de confiance politique et diplomatique, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a affirmé que les relations entre le Maroc et l’Espagne traversent actuellement « leur meilleure phase de tous les temps ». Une déclaration qui ne constitue pas seulement un éloge d’une nouvelle réalité politique, mais qui recèle également des indices de changements stratégiques profonds affectant les équilibres régionaux, voire européens.
M. Nasser Bourita s'est entretenu ce jour à Madrid avec son homologue espagnol, M. @jmalbares qui a indiqué que l'Espagne réaffirme que l'initiative d'autonomie est "la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend" régional autour du Sahara marocain pic.twitter.com/Hghqjw0YpU
— Maroc Diplomatie 🇲🇦 (@MarocDiplomatie) April 17, 2025
Mais toutes les parties sont-elles réellement satisfaites de cette phase ? Et n’existe-t-il aucun coût à cette « alliance avancée » ?
De la rupture de 2021 à l’alliance de 2024 : qu’est-ce qui a changé ?
Depuis la rencontre entre le roi Mohammed VI et le chef du gouvernement espagnol Pedro Sánchez en avril 2022, les relations maroco-espagnoles ont pris un tournant stratégique sans précédent. Après une crise diplomatique aiguë liée à l’accueil du chef du « Polisario » en Espagne sous une fausse identité, les deux pays sont passés à une phase de coopération intense – sécuritaire, économique et politique.
Mais la question essentielle est :
Ce changement est-il le fruit d’une conviction politique commune ou une nécessité géopolitique imposée par des mutations internationales ?
Partenariat multidimensionnel ou interdépendance déséquilibrée ?
Selon Bourita, plus de 210 réseaux de migration irrégulière ont été démantelés en une seule année, en plus d’opérations sécuritaires conjointes considérées comme un modèle régional et international.
S’ajoute à cela que l’Espagne est devenue le premier partenaire économique du Maroc, et vice versa (hors UE).
Mais n’est-il pas légitime de se demander :
Ces chiffres reflètent-ils réellement un partenariat équilibré ? Ou bien révèlent-ils une dépendance croissante d’un acteur vis-à-vis de l’autre ?
Et comment le Maroc équilibre-t-il ce rapprochement avec ses relations stratégiques avec Paris ou Berlin ?
L’Espagne maintiendra-t-elle cette position si un changement politique survient à Madrid ?
Sahara : appui espagnol ou repositionnement européen ?
Le point le plus controversé dans les propos de Bourita est peut-être son insistance sur l’initiative d’autonomie comme « seule base sérieuse et crédible de solution ».
Et bien qu’il affirme que le soutien espagnol ne soit pas une rupture avec le consensus international, une interrogation demeure :
L’Espagne a-t-elle réellement modifié sa position ou a-t-elle simplement ajusté sa posture pour éviter de nouveaux heurts ?
Le cas allemand, hésitant, et la froideur française actuelle posent question. Est-ce le signe d’un réajustement stratégique profond dans l’UE, ou d’une divergence entre partenaires européens ?
Qui sont les « mécontents » ? Les silencieux dans l’ombre…
Bourita a implicitement reconnu que « tout le monde n’est pas heureux du niveau atteint ». Cette phrase ouvre la voie à plusieurs interprétations :
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L’Algérie est-elle la première concernée, considérant cette alliance comme une menace directe pour sa position sur le Sahara ?
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Existe-t-il, en Espagne même, des voix critiques face à ce rapprochement, notamment dans la gauche radicale ou parmi les souverainistes ?
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Et à Bruxelles, certains craignent-ils l’émergence du modèle marocain comme alternative à la prépondérance française en Méditerranée et en Afrique ?
Vers un nouveau modèle de coopération Sud-Nord ?
Ce partenariat maroco-espagnol pourrait incarner un nouveau paradigme de coopération en Méditerranée.
S’il réussit, il deviendrait une référence pour d’autres relations Sud-Nord, fondées sur l’interdépendance sécuritaire, économique et politique.
Mais cela suppose la gestion de réticences géopolitiques, notamment de la part d’acteurs régionaux ou de factions européennes réticentes à redéfinir leurs relations avec l’Afrique du Nord.
Conclusion analytique
Ce que nous observons n’est pas une simple accalmie diplomatique, mais une transformation structurelle qui redéfinit le rapport d’égal à égal entre un État africain ambitieux et un État européen pragmatique.
Mais l’avenir de cette dynamique dépendra de sa capacité à dépasser les intérêts immédiats… et à résister aux tempêtes politiques.